Le voyage de Sulfur reprit de plus belle. Il commençait à comprendre doucement ce qu’il cherchait.
Même s’il ne savait toujours pas pourquoi il était là, il sentait que la réponse viendrait à lui au moment voulu. Ces gemmes, ses souvenirs perdus… Ce n’était pas un hasard mais un appel. Sulfur poursuivit donc son chemin pour chercher la prochaine pierre.
Quittant les bois rassurants, son instinct le mena au bord d’une grande rivière. Il admira le scintillement du soleil sur son eau paisible mais fut vite interloqué par la couleur rougeâtre qui en émanait. Lentement, il s’en approcha, mû par une curiosité insatiable. La rivière semblait profonde au point de ne pas pouvoir en discerner le fond et son eau tirait étrangement vers le rouge. Avant même que Sulfur ait le temps de voir son reflet dans le liquide, un sifflement se fit entendre derrière lui.
Surpris, il se retourna et se retrouva nez à nez avec un immense serpent d’au moins trois mètres de haut. Ce dernier arborait des écailles grises semblant aussi dures que de la pierre. Ses pupilles fendues lui donnaient un regard meurtrier. Ses cornes, trônant fièrement au sommet de sa tête, étaient disposées de façon à ressembler à une couronne. Nul doute n’était permis, Sulfur avait en face de lui un Basilique.
L’immense reptile ouvrit la gueule, laissant apparaître des crochets pointus au travers desquels s’échappa sa langue. Le sifflement qu’il venait d’entendre résonna alors une nouvelle fois. La langue pointue du basilique frôla la joue de Sulfur. A ce contact, ce dernier ne put refréner un frisson de surprise et ses pupilles aveugles s’agrandirent. Puis soudain, l’animal plongea dans la rivière et y disparut.
Le calme revint et Sulfur regarda la rivière d’un air interrogateur. Malgré l’air menaçant du serpent, à aucun moment il ne s’était senti en danger. Même la langue effleurant sa joue ressemblait plus à un baiser qu’à une agression. C’était comme s’il était arrivé au bon endroit, comme si on lui souhaitait la bienvenue. Il s’accroupit devant l’étendue d’eau, cherchant du regard l’ombre de la créature. Ce dernier réapparut subitement. L’eau rougeâtre ruissela sur ses écailles qui étainet à présent souples et brillantes.
Sulfur se releva pour se mettre à la hauteur de la tête de l’animal puis il frémit à nouveau. Non pas qu’il avait peur mais il la sentait. Elle était là, sa gemme. Les deux créatures se jaugèrent du regard. Un nouveau sifflement retentit. Le son était toutefois légèrement différent. Sulfur leva les yeux et vit alors une pierre verdâtre parsemée de tâches cramoisies se tenir au milieu de la couronne de cornes du serpent géant. Il tendit la main pour la toucher. A peine l’eut-il effleurée qu’elle se mit à briller d’un éclat aveuglant, provoquant une nouvelle vision.
Le sauveur vit alors une horde de basiliques se défendant contre un ennemi qu’il avait peine à discerner. Il vit l’éclat des yeux des serpents se refléter sur ceux de leur agresseur et leur sort de pétrification se retourner contre eux-même. Impuissants, les reptiles n’avaient plus que deux choix : rester ainsi et finir figés à tout jamais ou faire couler leur sang pour se libérer de leur propre maléfice. Leur choix se porta sur la seconde solution. La rivière se teinta alors de rouge. Le rouge de la frustration, le rouge de la peine et la rage des basiliques. Jamais ils n’oublieraient cette humiliation. Leurs corps commencèrent alors à se durcir lentement, témoins de cette cuisante défaite qui marqua à jamais leur chair.
Bien qu’il ait l’impression qu’il manquait des passages, Sulfur trouva la vision bien plus nette que les précédentes. Il contempla d’un air songeur la pierre au creux de ses mains. Satisfait, le basilique plongea une dernière fois dans la rivière et disparut sans laisser de traces. Complètement trempé, Sulfur sourit, se sentant étrangement plus léger qu’à son arrivée. Puis il se retourna et entreprit de continuer son périple.