Sulfur ne savait toujours pas qui il était réellement, ni quelle était la raison de sa présence sur cette terre. Mais il n’eut pas le loisir d’y songer davantage car une étrange sensation se fit alors ressentir. C’était un peu comme un appel qui résonnait au plus profond de son être. Intrigué, il examina les alentours. Ne voyant rien de particulier, Sulfur sût que la réponse se trouvait ailleurs. Ses pupilles d’un blanc laiteux se posèrent une dernière fois sur ses vieilles connaissances boisées puis il hocha la tête pour leur signifier qu’il était temps pour lui de continuer sa quête.
L’effervescence provoquée par le réveil de la créature s’était à présent calmée. Elle laissa place à une joyeuse haie d’honneur derrière laquelle on pouvait sentir une pointe de tristesse de le voir déjà partir. Cependant, tous les habitants de la forêt savaient bien qu’ils n’étaient pas les seuls à attendre la venue du Sauveur et qu’ils ne pouvaient pas le monopoliser davantage.
Guidé par l’étrange sensation, Sulfur se mit en route. Se faufilant entre les arbres à la recherche de son identité, il admira au passage les animaux qui peuplaient les lieux. Les voir plein de vie emplit son cœur d’une joie inconnue. Ça et là, son chemin était parsemé de perces-neiges et plus il s’enfonçait dans les bois, plus les petites fleurs blanches se faisaient présentes. Il finit par déboucher sur une clairière et le spectacle qu’il y vit, l’enchanta. Partout où son regard opalescent se posait, ce n’était que profusion de délicates clochettes blanches doucement bercées par un brise légère.
Soudain une bourrasque fit s’envoler les perces-neiges et une boule de fourrure blanche apparut au centre de la clairière. Avant qu’il ait le temps de comprendre ce que c’était, Sulfur vit une paire de pupilles blanches qui le fixaient. Le contraste était saisissant. D’un côté un être d’une pureté immaculée aux yeux tout aussi immaculés; de l’autre, un être sombre comme la nuit aux yeux eux aussi immaculés.
Tout d’abord surpris par cette apparition, Sulfur vit l’étrange créature se diriger vers lui. Son pelage d’une douceur infinie ondulait sous l’effet de la caresse du vent. Elle était belle. Ni trop grande, ni trop petite. Sa silhouette se terminait par neuf longues queues avec une pointe d’un rouge sang aux extrémités. D’autres marques elles aussi rouges étaient dessinées sur son front. Nul doute qu’il s’agissait là d’un membre du peuple terrestre qui arpentait autrefois les étendues de ce monde.
Le majestueux renard s’inclina devant Sulfur. Bien qu’il soit aveugle, il savait ou plutôt, il sentait qu’il se trouvait face à celui que tous attendaient depuis si longtemps. Plongeant son regard mort dans celui de la créature fantastique, sulfur ne pût s’empêcher de frissonner. La sensation bizarre était revenue, plus intense que jamais. Il tendit alors la main vers les symboles qui ornaient le front du renard. A peine les eut-il effleuré qu’ils se transformèrent en une gemme d’une rouge sombre. Puis la pierre se mit à briller intensément.
Des images envahirent l’esprit du Sauveur. Il vit des objets étincelants tomber du ciel. C’était comme si les étoiles venaient s’écraser sur cette terre, transformant les rivières en rivières de sang, brûlant de leur éclat les yeux des êtres vivants qui croisaient leur passage.
Sulfur contempla la sphère couleur carmin qui se trouvait au creux de sa main. A elle seule, elle symbolisait tout le sang qui fut autrefois versé en ces lieux par le peuple terrestre. Un nouveau souvenir et un pas de plus vers qui il était.
Il s’accroupit et caressa doucement et tendrement la tête du renard millénaire. Aucun mot ne fut échangé mais le message fut malgré tout transmis : je suis là. L’instant d’après, la créature blanche à neuf queues s’évapora comme emportée par la brise. Sa mission était achevée et son esprit apaisé.