1 – Le réveil

En tendant bien l’oreille on pouvait entendre les murmures de la forêt. Du bruissement des feuilles d’arbres à l’ondulation des brins d’herbe, tous annonçaient la même chose: il arrive ! La forêt autrefois si calme, au point d’être appelée la Forêt Endormie, chantait aujourd’hui de tous côtés. Même l’Ancien semblait avoir retrouvé l’écorce de sa jeunesse et agitait ses vieilles branches avec excitation.

Puis soudainement, le silence revint et tous cessèrent de bouger. Au pied de l’Ancien, un petit amas de mousse desséchée s’agita.

Il y a bien longtemps, alors que le Grand Chaos était au summum de sa puissance et que le monde était en péril, c’est à cet endroit même qu’il vint se reposer une dernière fois après avoir livré son combat final. Exténué par cette bataille dantesque, son corps meurtri ne put en supporter davantage et se dispersa aux quatres coins de la planète en une multitude d’éclats lumineux colorés.

La terre eut un brusque soubresaut. Tous les êtres présents pouvaient sentir leur cœur battre frénétiquement dans leur poitrine et leurs regards se tournèrent vers le petit tas de mousse. L’amas se mit à frémir. On vit alors apparaître des doigts puis une main. Cette main vînt tâter le sol à la recherche d’un point d’appui et petit à petit celui que tous attendaient se dévoila devant eux.

Grand et sombre comme du bois d’ébène, il portait avec prestance des bois à 7 branches à en faire pâlir de jalousie le plus majestueux des cervidés et un regard d’un blanc perçant, semblant voir la vérité dans toutes choses. Il était enfin revenu. La forêt en émoi murmura son nom: Sulfur.

L’Ancien fût le premier à l’accueillir, ses branches craquaient bruyamment tant il peinait à retenir sa joie. Pour un peu, il se serait brisé en petit bois. Puis chacun vint s’incliner devant sa noble silhouette. Sulfur venait de renaître et ne se souvenait de rien. Cependant il sentait que ce respect lui était dû, aussi inclina-t-il la tête en guise de remerciement.

Malgré toute cette joyeuse effervescence, une étrange sensation s’empara de lui. C’était comme un fourmillement désagréable derrière sa tête. Instinctivement, il se tourna vers un endroit précis de la forêt.

Aussitôt tous s’écartèrent telle une haie d’honneur. Là, tout au bout de ce couloir éphémère, gisait une sphère couleur bois. Elle reposait sur un coussin de feuilles et semblait presque irréelle. Lentement Sulfur se dirigea vers elle et se pencha pour la toucher. A peine ses doigts l’effleurèrent-ils qu’il fut submergé par un éclat lumineux. Des images de cris, de flammes, de corps calcinés et d’odeur de bois brûlé emplissant les poumons défilèrent devant ses yeux aveugles. Alors il se souvint. De pas grand chose certes mais suffisamment pour savoir où il se trouvait.

Il posa son regard sur les êtres présents puis sur l’Ancien. Il s’en approcha et posa sa main sur le vieux tronc comme pour lui dire merci. Dans son autre main, la sphère brillait à présent de mille feux or et bois.